L’écrasante responsabilité de Mélenchon dans le retour de la violence en politique

Depuis la démission du maire de Saint-Brévin et l’agression – qui n’était pas une simple bousculade mais un réel passage à tabac – de l’homme qui n’avait d’autre tort que d’être le neveu de Mme Macron, on lit partout le poncif “toute la classe politique s’émeut”.
Or rien n’est plus faux, et si un tweet en particulier de Jean-Luc Mélenchon fait couler de l’encre (on parle à son sujet et comme d’habitude “d’ambiguïté”, alors qu’il est, comme d’habitude, absolument limpide), c’est en réalité l’ensemble de la LFI et une partie d’EELV qui se refuse à condamner clairement cette dernière agression.

Les termes sont timides et mettent systématiquement en balance d’autres violences, physiques ou symboliques, comme si un tabassage en règle avec fractures de côtes au seul motif d’un lien de parenté pouvait être atténué par la “violence ressentie” d’une réforme des retraites.

Comme nous le verrons, ce qui est régulièrement qualifié d’ambiguïté n’a strictement rien d’ambigu, et seuls ceux qui s’évertuent à faire semblant de ne pas comprendre pourraient être surpris. En effet, la légitimation de la violence physique ne date pas d’hier pour Mélenchon et ce qu’il convient désormais d’appeler “sa bande”.

Retour sur la réémergence de la violence physique sur la scène politique et sur l’écrasante responsabilité de Jean-Luc Mélenchon.

La crise des gilets jaunes

Lors de cette crise, la stratégie de JLM sera de récupérer – assez adroitement – un mouvement largement inspiré par l’extrême-droite.

À l’Assemblée Nationale le 13/12/2018, lors d’un discours encore à peu près digne – ces propos ne sont en soi pas scandaleux – Mélenchon pose ce qui sera la base de sa rhétorique relativiste et populiste. Rappelons que nous sommes deux semaines après le saccage de l’Arc de Triomphe. “On évoque à juste titre, pour le déplorer à juste titre, les 187 blessés parmi les policiers et les gendarmes […] mais que cela ne nous fasse surtout pas oublier un autre décompte terrible : 865 blessés parmi les manifestants”. Il poursuit. “Voici de nouveau la France des rébellions […] la jeunesse et les gilets jaunes de France continuent leurs actions – ce sont des actions, j’en conviens, destituantes – […]. Nous prenons notre part de cette action […] dans la démarche parlementaire. C’est pourquoi nous vous censurons parce que c’est le plus court chemin vers le retour aux urnes que la démocratie exigerait dans n’importe quel autre pays. […] Le peuple est à nos yeux la solution à tous les problèmes”

Résumons : JLM déplore encore (cela changera) les policiers blessés mais les met en balance avec des blessures chez des manifestants ultra-violents (ayant donc causé entre autres les blessures des membres de forces de l’ordre). Il assume prendre sa part à la rébellion et aux actions destituantes, il suggère que la France ne serait pas une démocratie, et enfin il affirme clairement son populisme.
Tous les termes de la légitimation sont là, et chaque élément s’amplifiera avec le temps.

Le 21 décembre 2018, un simulacre d’exécution d’Emmanuel Macron a lieu à Angoulême.

© Loïc Dequier – MaxPPP

Le même jour, Mélenchon écrit sur son blog, dans un post intitulé “Début de la désintégration” (le choix du terme est clair)

Parenthèse : on lit déjà : “[…] interdiction, selon le porte-parole du gouvernement, de revenir sur les programmes de la présidentielle”. Il est déjà évident, longtemps avant la réforme des retraites, que les programmes électoraux ne sont pas faits pour être appliqués selon JLM

Mais revenons au sujet, nous mettons en gras les éléments clairs d’allusion, sinon d’appel, à la violence physique. Toujours dans le même texte :

“Au demeurant, le souvenir du « grand débat » sur l’Europe est encore là pour savoir à quoi s’en tenir. […]. Cette fois-ci, il est vraisemblable que ce sera plus chaud.
[…] les CRS devaient réprimer leurs collègues policiers en colère qui tentaient de remonter les Champs-Élysées et qui étaient allés manifester devant le ministère de l’Intérieur. Ainsi, la faille est ouverte au cœur de l’ultime ligne de défense du système.
[…] Il remet dans le débat les raisons les plus profondes de l’organisation et de la légitimité des pouvoirs publics. Et quand ce débat est une action sur le terrain le monde peut changer”.

Le « caractère factieux »

Le 19 mai 2021, à la suite d’une manifestation à l’appel d’un syndicat policier, on a retenu des propos de Mélenchon qui prêtaient à cette manifestation un “caractère factieux”. Or le reste de son discours ce jours là tenait lieu de programme (la numérotation est de nous) : 

  1. “De qui aurait on accepté qu’il dise que la Justice doit rendre des comptes comme l’a fait le secrétaire général d’une organisation policière tout à l’heure sur la tribune ?
  2. De qui aurait-on admis qu’il ajoute “tant qu’il n’y aura pas de Justice il n’y aura pas de paix”
  3. Ainsi on voit une organisation policière qui […] s’était fait remarquer par ses abus comme intimider des journalistes,
  4. …comme menacer la Justice et ses jugements,
  5. comme mettre le siège devant une organisation politique,
  6. comme avoir osé dire hier que ceux qui ne soutiendraient pas cette manifestation devraient assumer, c’est-à-dire formulant ouvertement une menace. Cela n’est pas acceptable”

Puisque Mélenchon pose les questions, essayons d’y répondre :

1 – “De qui aurait-on accepté qu’il dise que la Justice doit rendre des comptes ?” Mais… de Mélenchon bien sûr ! Depuis cet épisode (et déjà avant cela), Jean-Luc Mélenchon et ses acolytes ont contesté la légitimité de décisions de Justice à de nombreuses reprises. La lecture de cette introduction panégyrique à sa vidéo du 2/7/2020, si elle prête à sourire pour qui a connu la presse soviétique, est assez explicite :

“Jean-Luc Mélenchon revient sur le lancement contre lui et plusieurs insoumis d’une enquête préliminaire pour « abus de confiance » et « recel ». Il démonte en quelques instants cette nouvelle aberration et dresse la liste des diverses injustices dont ont été victimes les insoumis ces dernières années. Il explique qu’il est temps de pouvoir compter sur une justice indépendante et de remettre de l’ordre dans la police et la justice.”

Blog de Mélenchon – https://melenchon.fr/2020/07/03/rdls118-leau-en-danger-municipales-tsunami-dabstention-justice-macronisee/

2 – “De qui aurait-on admis qu’il ajoute “tant qu’il n’y aura pas de Justice il n’y aura pas de paix ?” Là encore, la réponse est Mélenchon : “Ne cédez pas ! Rien ! Jamais ! La lutte continue jusqu’au retrait” (à propos des retraites le 1/5/2023, avant d’ajouter “à bas la mauvaise République”). Video
…propos repris et amplifié par Antoine Léaument dans l’hémicycle le 2 mai : “À bas Macron ! À bas la mauvaise république !” (nous cherchons encore ce qui peut être qualifié d’ambiguïté dans de tels propos)

D’ailleurs, quand la plus haute juridiction tranche un débat, voici comment Jean-Luc Mélenchon fait la paix :

3 – Qui pourrait intimider des journalistes ? Là, vraiment, nous n’en avons aucune idée… Voici quelques liens parmi d’autres pour se faire une idée…
a. – la petite tape sur la joue de Don Melenchone. Vidéo
b. – les sempiternelles menaces de poursuites en diffamation (on devrait en fair un album Panini, ça nous permettrait d’échanger nos doubles)
c. – condamnation pour des insultes envers des journalistes de Radio-France, comble de l’ingratitude
d. – “Vous avez vu ce sale con ?” – précisons qu’il est question du journaliste. Vidéo
e. – “Vous faites un travaille de merde”. Quand Mélenchon n’est pas du côté des travailleurs. Vidéo
f. – Quand Mélenchon, député de Marseille prend de haut une journaliste parce qu’il ne comprend pas son accent provençal et refuse de lui répondre. Vidéo
g. – “Tu fermes ta petite bouche”. Vidéo

Revenons aux questions posées par Mélenchon le 19/5/21 :

4 – Qui pourrait menacer la Justice et ses jugements ? C’est précisément pour ce motif que Jean-Luc Mélenchon a été condamné à trois mois de prison avec sursis dans l’affaire de la perquisition du siège de LFI. Condamnation pour « actes d’intimidation envers un magistrat, rébellion et provocation”. article 433-3 du Code pénal

5 – Qui pourrait “mettre le siège devant une organisation politique” ? On se demande bien ! Réfléchissons… ah mais oui ! La France Insoumise pourrait faire quelque chose comme ça, emmenée par le député Thomas Portes. Vidéo

En résumé, quand Mélenchon qualifie un syndicat de factieux, il faut prêter attention à ses propos, car il peut se prévaloir d’une certaine expertise !

La légitimation de la violence

Qu’un simulacre d’exécution du Président de la République ait lieu – il y en a eu beaucoup depuis, dans une relative indifférence – c’est problématique mais la foule est la foule, et le mouvement des Gilets Jaunes, s’il faisait l’objet de convoitises (et pas seulement aux extrêmes…) était particulièrement créatif en la matière. En revanche un cap est nettement franchi quand, le 17/2/2020, ce sont des députées et sénatrices qui se prêtent à un simulacre de lynchage du Président de la République. La rédaction de la Cheuille de Fou s’avoue incapable d’expliquer comment on peut encore douter de l’antirépublicanisme de LFI et de la NUPES après cela. (Esther Benbassa est EELV)

Légende : Déjà pour la réforme des retraites, mais celle qui n’avait pas pu aller au bout pour cause de COVID

Ce simulacre de lynchage est bien sûr à rapprocher de la scène où le député Thomas Portes pose fièrement (il tweet lui-même) avec le pied sur un ballon représentant la tête du ministre Olivier Dussopt. Ambiguïté ? Maladresse ? Comment expliquer ?

La matrice des Néo

Sur la question spécifique de la légitimation de la violence, on retrouvera chez Mélenchon ainsi que chez tous ses obligés soumis, une matrice systématique, dont la forme est invariablement : “je ne soutiens pas la violence mais la violence est des deux côtés”. Matrice que l’on retrouve d’ailleurs à l’identique sur la question ukrainienne, notamment chez LFI et au PCF (moins au PS ou chez EELV qui ont des positions différentes sur le conflit) : bien sûr la Russie est l’envahisseur mais en fait ce sont les Etats-Unis/l’OTAN qui sont responsables.

Ce qui se joue avec cette matrice, c’est la conformation à un “ordre moral universel” auquel même une grande partie de l’électorat de ces partis est attachée, mais qui est en contradiction profonde avec la vision factieuse et collaborationniste desdits mouvements. On fait donc acte de contrition dans la première moitié de la phrase pour rester audible mais on expose sa conviction profonde et contraire dans la seconde.

Quelques exemples volontairement choisis chez les inféodés à LFI (pour les membres de LFI, cela se confond avec leur respiration tant c’est devenu un réflexe) :

Olivier Faure, Premier Secrétaire du PS, à propos de Sainte-Soline, où des policiers ont reçu entre autres des cocktails Molotov : « Je ne trouve pas ça normal, je condamne complètement […] mais […] Le désordre, c’est l’injustice créée par ce projet de loi. ».

Marie Tondelier, Secrétaire nationale d’EELV, Sud Radio le 17/5, à propos de l’agression du neveu de Brigitte Macron : 

“C’est consternant mais on a un climat social qui est extrêmement inquiétant et la violence répond à la violence” (à la violence du chocolatier ? NDLR) “[…] et tous ces sujets nous éloignent des vrais sujets. Le vrai sujet dont je vais vous parler ce matin, c’est les oiseaux”

Mélenchon sur l’affaire du chocolatier tabassé :

Sans mais, mais…

Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée Nationale, théorise : on condamne “sans mais”, mais quand même…

Cette utilisation pavlovienne de la “matrice en mais” comme réponse systématique à toute demande de clarification sur le sujet des violences doit pour autant demeurer justifiable auprès des électeurs républicains ou anciennement républicains qui croient encore l’être. C’est pourquoi on trouvera toujours une exagération de la violence « du pouvoir ». Hormis les “violences policières” qu’on oubliera systématiquement de contextualiser, on fera croire que nous ne sommes plus en démocratie (“le Conseil constitutionnel a pris une décision assez irresponsable” […] « La légalité ce n’est pas la démocratie », Clémentine Autain, Question Politique, 16/4. Vidéo). On prétendra qu’augmenter l’âge de la retraite c’est “voler deux ans de vie” (élément de langage repris par toute la NUPES et la CGT). On traitera  en plein hémicycle un Ministre de félon, d’imposteur et d’assassin, rien de moins. (Aurélien Saintoul, 13/2/2023)

Alors oui, dans le monde parallèle où vivent désormais les élus LFI, qui trouverait illégitime la violence contre un pouvoir autoritaire, assassin et félon ? Le problème est qu’il s’agit bien d’un monde parallèle.

Les appels limpides à la violence physique sont évidemment la suite logique de cette uchronie.

« Passer à la casserole », c’est tout de même clair, non ?

11/3/2023 : “Il faut essayer de trouver des sorties, donc nous allons en trouver une par la force” Vidéo. Là encore, que peut-on trouver “d’ambigu” dans ce propos ?

Un consensus pour ne pas voir, ne pas entendre, ne pas comprendre.

Sur un tout autre sujet, Mélenchon tweetait récemment : “Lisez-moi davantage et vous vous tromperez moins”. On ne peut qu’abonder dans son sens. Il serait grand temps que la classe politique et médiatique prenne enfin au sérieux les propos anti-républicains, complotistes et antisémites que Mélenchon tient sans discontinuer depuis près de dix ans, au lieu de toujours le dédouaner sous couvert de maladresse, d”incompréhension ou de « franc-parler »… Nous évoquions déjà cela dans cet article sur l’antisémitisme patent de Mélenchon.

Il n’y a chez Mélenchon aucune ambiguïté, c’est même probablement l’homme politique le plus clair dans ses propos, encore faut-il les lire et les entendre. Il y a dans ce consensus pour minimiser et faire semblant de ne pas entendre, quelque chose qui rappelle l’Allemagne de 1928 à 1932. Espérons que nous n’aurons jamais à nous retourner pour constater, comme les Allemands après 1945, que tout était clairement annoncé.

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