Des pages du Coran brûlées lors d’un rassemblement devant la plus grande mosquée de Stockholm.
L’autorisation accordée par les autorités suédoises à un homme, Ahmad A, qui en avait fait la demande, de brûler une Torah devant l’ambassade d’Israël.
Dans les deux cas il s’agit de brûler un livre que les croyants considèrent sacré. La Suède se retrouve devant le fait accompli.
Dans les deux cas, si le second projet avait été mis en œuvre, il se serait agit d’une manifestation de haine, voire d’appel à la haine.
Or justement, Monsieur A. n’a finalement pas brûlé de Torah et a expliqué qu’il voulait par cette démarche montrer les limites de la liberté d’expression.
Ceci est très habile puisqu’il amène un questionnement non évident : dans un état laïc, au nom de quoi l’état doit-il empêcher de brûler un livre ? Si c’est au nom de l’appel à la haine, alors pourquoi ne pas condamner l’homme qui a brûlé quelques pages d’un Coran ? Or si une telle condamnation avait lieu, ce serait un retour du délit de blasphème. Aussi la non condamnation du premier fait impliquerait l’autorisation du second.
On voit donc que les autorités suédoises se sont retrouvées prises au piège de cette demande d’autorisation. Elles se retrouvent mécaniquement « complices » en l’accordant.
Pourtant, si habile soit-elle, la démarche repose sur des analogies fausses. Il existe en effet des différences importantes de tous ordre entre le premier et le second acte.
Une première différence qui pourra sembler anecdotique ici est que les deux textes n’ont pas le même statut dans les religions islamiques et juive.
Le Coran, selon les musulmans, est écrit par Dieu lui-même. Peu importe la technique (imprimerie…) chaque exemplaire du Coran a été écrit par Dieu (Allah) et donc la moindre altération d’un de ces exemplaire est une « désacralisation » du Livre et donc un blasphème.
Les Juifs, pour qui la Torah est en effet sacrée, considèrent bien qu’il est écrit par la main de l’homme. Chaque rouleau étant recopié à la main, c’est surtout une somme de travail (humain) considérable qui est annihilée quand on détruit une Torah. Rappelons pour ceux que cela intéresse que c’est même le fondement des commandements de Dieu : Moïse reçoit les tablettes sur le Mont Sinaï et les détruit avant de les re-graver. Le texte sacré des Juifs est donc dès l’origine une interprétation humaine de la parole de Dieu.
Le sujet d’étonnement est la cible des représailles. On pourra faire remarquer que l’auteur du premier autodafé n’était pas juif, mais comme d’habitude, il faut bien que ce soit malgré tout la faute des Juifs.
Surtout, si le premier acte avait eu lieu devant une mosquée (brûler un texte sacré devant un lieu de culte), le second était prévu… devant l’ambassade d’Israël ! Israël étant (encore) un État laïque, cela aurait eu autant de sens que d’aller brûler une bible devant l’ambassade d’Italie.
Enfin, l’argument peut sembler prosaïque, mais… combien de personnes vivent avec une fatwa sur la tête lancée par des rabbins excités ? Brûler un Coran expose toute la Suède à des risques d’attentats, à l’opposition de la Turquie à son entrée dans l’OTAN… que risquerait qui que ce soit à brûler une Torah ?