Haro sur le langage

Pour qui conçoit avec gourmandise l’avènement du transhumanisme, la destruction du langage ou son appauvrissement extrême est une priorité.

« Il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. »

Aristote, Politique I,2.

Le langage est non seulement le propre de l’Homme – la communication animale n’est pas un langage, ne permet pas de dialoguer, d’échanger des idées, de créer des concepts ou plus formellement des tournures qui font évoluer le langage qui les exprime – mais il est surtout un danger aux yeux des esprits totalitaires. Comment contrôler tout à fait des individus capables d’échanger des idées ?

Dès lors, les transhumanistes trouvent dans les mouvements politiques à visée totalitaire une armée précieuse.

Ces derniers vont, croyant parfois, servir une cause juste, inventer toutes sortes de raisons de promouvoir l’appauvrissement du langage.
L’écriture dite inclusive, démultipliant inévitablement le « langage inclusif » (cellezéceux…) en est un exemple criant. Alors que n’importe quel enfant de trois ans sans déficit intellectuel ou sensoriel majeur maîtrise la forme verbale de son idiome maternel – on fait du langage un code impossible à lire de manière fluide et, surtout, impossible à écrire. Toutes les études psychologiques montrent que cette forme écrite exclut au contraire une grande partie de la population, mais rien n’y fait, les idéologues avancent.

Les mots interdits

Des mots sont interdits. Le fameux « N-word » est un bon exemple car il est toléré justement par ceux qui veillent le plus farouchement à son bannissement pour traiter toute personne « non-blanche » (sic) de « nègre de maison » dès lors qu’elle ne se plie pas à la doxa racialiste et séparatiste et qu’elle prétend à l’émancipation par l’intégration. La recette du <CENSURÉ>-en-chemise figure sous cet article.

Depuis quelques années, les théâtres belges accueillent, aux frais de la culture, le « spectacle » d’un duo d’enseignants, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, qui prônent une simplification radicale de l’orthographe et proposent « de permettre au public de s’autoriser un discours critique sur l’orthographe et de s’interroger sur ses enjeux démocratiques » (rien de moins !). Dissimulée dans une multitude d’arguments recevables sur telle ou telle aberration de l’orthographe française que peu refuseraient réellement de réformer si l’on s’en tenait là, une dictée à laquelle participent les « spectateurs » révèle que le projet va jusqu’à la suppression du conditionnel. Il est crucial pour les apprentis dictateurs de faire disparaître le mode qui permet d’exprimer l’espoir, d’envisager plusieurs futurs possibles, bref, comme pour le « nègre de maison » il faut tuer toute velléité d’émancipation dans l’œuf pour maintenir sa clientèle (ou son public, ou son électorat…) sous cloche.

Dans 1984 (qui malheureusement est une remarquable grille d’analyse de l’époque), Winston travaille à la prochaine édition du dictionnaire de Novlangue, dont l’objectif est de supprimer encore plus de mots que les éditions précédentes.

Le Novlangue est défini ainsi dans les annexes :


« Le but du novlangue était, non seulement de fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’angsoc [Socialisme Anglais, NDLR], mais de rendre impossible tout autre mode de pensée.
Il était entendu que lorsque le novlangue serait une fois pour toutes adopté et que l’ancilangue serait oublié, une idée hérétique – c’est-à-dire une idée s’écartant des principes de l’angsoc – serait littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépend des mots. »

George Orwell, 1984 (Annexes)

La convergence d’intérêt entre les transhumanistes – pour qui il sera d’autant plus facile de dépasser l’Homme que celui-ci sera devenu minable et incapable de se coordonner – et des fascistes en herbe est donc évidente et explique l’attaque généralisée contre le langage. Le seul titre dont la presse parle lors de cette rentrée littéraire est d’ailleurs « Cher connard », ce en quoi nous sommes tentés de répondre « Toi-même Djadja, genre en catchana baby tu dead ça ».

Peut se faire avec un peu moins de beurre, mais nous déconseillons l’emploi de chocolat blanc.

Liens – Haro sur le langage

Publication originale sur Facebook : 👉 𝗛𝗔𝗥𝗢 𝗦𝗨𝗥 𝗟𝗘 𝗟𝗔𝗡𝗚𝗔𝗚𝗘
« La faute de l’orthographe », de Arnaud Hoedt et Jérôme Piron.

Vidéo : Intervention de Sami Biasoni, interrogé par Le Figaro

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