Stupéfaction : pour justifier son intention de reconnaître l’État palestinien, E. Macron déborde largement de la classique (et infertile) « politique arabe de la France » et laisse s’exprimer un inconscient manifestement teinté d’un vieil antisémitisme « traditionnel ». (souligné par le rouge dans cet article)
Du 6 au 8 avril 2025 E. Macron s’est rendu en Egypte « pour marquer sa mobilisation » en faveur « d’un cessez-le-feu à Gaza » et répondre « à l’urgence » d’après un communiqué de l’Elysée. Cette interview est donnée à M. Bouhafsi pour sa chronique dans C’est à vous, dans l’avion qui le ramenait à Paris. Verbatim et décryptage complet, par la Cheuille de Fou.

Vidéo sur YouTube: https://youtu.be/Jh-nnhxCjeo?si=yKNhpdPW-Ww0Cmmn
00:00:00 – E. Macron : Je veux croire à la paix et je pense qu’elle est indispensable. On a une intensité de cette guerre qui est terrible. Depuis le 2 mars, plus rien ne passe. Plus d’eau, plus de nourriture, plus de médicaments, plus aucun blessé qui sort.
Le chef de l’Etat récite ainsi mot pour mot la propagande du Hamas. Il est vrai qu’Israël a interrompu le passage de l’aide humanitaire (dont on nous explique depuis un an et demi qu’il est bloqué, et tout d’un coup on apprend que ça n’était pas le cas…) puisque cette aide était quasiment intégralement détournée par le Hamas.
Sur l’eau, c’est l’éternelle accusation fausse, héritière de l’accusation antisémite des empoisonnements de puits. Comme nous l’avions déjà écrit ici dès le mois de novembre 2023, Israël ne fournissait à Gaza avant le conflit en cours que 11% de l’eau.
Quant aux blessés dont plus un ne sortirait, il faudrait en informer le pays que M. Macron venait de visiter, car la presse égyptienne n’a pas l’air au courant.
https://www.egypttoday.com/Article/1/138847/Egypt-receives-30th-batch-of-Gaza-wounded
– E. Macron : La seule réponse pour tout cela c’est une solution politique, c’est-à-dire reconnaître l’existence de chacun dans ses droits et des solutions de sécurité pour lutter contre les terroristes et permettre à chaque peuple de vivre en paix.
On se souviendra que peu de temps après le 7 octobre, Macron avait proposé l’éradication du Hamas…
Pour le moment seul Israël a des solutions pour lutter contre le terrorisme… sans aucun soutien de la France
00:00:43 – M. Bouhafsi : C’est l’histoire d’une visite inédite. Hier E. Macron s’est rendu à quelques mètres de la frontière entre l’Egypte et la Palestine. C’est la première fois qu’un dirigeant occidental se rend aux abords d’une frontière avec la bande Gaza depuis le début de la guerre, accompagné du président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi.
Le journaliste – dont on verra pendant toute la chronique qu’il utilise cette séquence pour appuyer son propre point de vue pro-palestinien, comme par exemple ici en parlant de frontière avec la Palestine, comme si c’était un Etat – n’a probablement pas entendu parler de la visite de MM. De Croo et Sanchez, chefs des gouvernements belge et espagnol, venus cracher leur haine antisémite depuis les kibboutzim encore fumants, puis au poste frontière de Rafah (entre Gaza et l’Egypte)
– M. Bouhafsi : Le chef de l’Etat a visité l’hôpital Al Arich. Il a rencontré plusieurs enfants victimes des raids de l’armée israélienne.
– E. Macron : Ma présence à Al Arich aujourd’hui, c’est pour dire qu’on n’a pas le droit d’oublier Gaza.
C’est vrai qu’on avait drôlement oublié Gaza avec les centaines de manifestations dans Paris depuis le 7.10.2023, les drapeaux palestiniens à l’Assemblée Nationale…
00:01:12 – E. Macron : Il y a une génération aujourd’hui a Gaza qui a vécu le pire. Et j’ai vu, et c’était bouleversant, des enfants et des adultes. Certains avaient des regards qui portaient… L’au-delà de la douleur. Quand vous n’avez… Quand, au fond… Vous êtes allé au-delà même de l’humanité, quand vous voulez survivre… Il y avait une jeune femme qui avait été blessée à la colonne vertébrale et qui était restée dans les décombres de septembre à mars. Son regard n’était pas un regard de douleur. Elle avait perdu tous ses frères et sœurs, tous. Devant sa belle-mère qui était là et qui avait perdu 5 enfants et petits-enfants.. Son regard n’avait plus de douleur. Ce n’était même pas de la rage.
Macron semble réagir sous le coup de l’émotion, cette interview sur la nécessité de paix dans la région est ouverte par cette longue description de la situation dramatique d’une palestinienne. On avait assisté au même phénomène en octobre 2023 quand, sans concertation aucune, lors de son déplacement en Israël et sous le choc certain face au massacre perpétré, il avait proposé une coalition internationale contre le Hamas… dont on connaît les suites.
00:01:43 – E. Macron : Elle voulait revenir sur cette terre.
Rappelons que 75 ans de conflits sont « justifiés » par l’exigence palestinienne du retour… en Israël. Il a suffit d’une déclaration de Donald Trump sur la « Riviera » pour que, tout d’un coup, la terre d’origine à laquelle seraient si attachés les gazaouis devienne… Gaza !
– E. Macron : Quand on arrive à ce degré-là… L’immense responsabilité que prennent ceux qui font cela, c’est de construire des générations qui auront grandi dans le ressentiment.
Inversion accusatoire typique. Qui a élevé des générations de gazaouis animés par la haine ? Est-ce que les écoles de l’UNRWA et les contenus enseignés – désormais connus de tous – n’auraient pas joué un tout petit rôle ? En une phrase, Macron disculpe le Hamas et ses complices, et remet la faute sur Israël.
– M. Bouhafsi : Le président en a profité pour visiter la plateforme humanitaire du Croissant Rouge. C’est là que sont entreposées des tonnes d’aide venue de France et d’Europe. Des stocks périssables bloqués à cause du blocus humanitaire imposé par Israël. Selon le Ministère de la Santé du Hamas, près de 1500 civils ont été tués depuis le 18 mars dernier et la reprise des bombardements. E. Macron est ferme. Selon lui, B. Nétanyahou doit changer de stratégie.
On notera l’image persistante de ces « stocks de denrées ». Il ne fait aucun doute que ces deux douzaines de bouteilles d’huile d’olive (pas de bol, ça n’est pas périssable) sont exactement ce qu’il manque au 2,2 millions d’habitants de Gaza. Prendrait-on les téléspectateurs pour des imbéciles ?
00:02:20 – E. Macron : Je fais partie des rares dirigeants qui n’ont jamais cessé de lui parler et qui ont toujours assumé des désaccords profonds. On a un désaccord là sur l’humanitaire et au fond le rapport à la vie.
Un désaccord sur le rapport à la vie !! on est là dans le poncif antisémite complet. Voilà le juif sanguinaire de retour dans la parole présidentielle. Or on est très justement dans le cadre d’un conflit dont le but est d’aller récupérer des otages. C’est-à-dire qu’Israël, sacrifie des soldats pour aller récupérer des civils morts ou vivants… mais bien sûr c’est Israël qui aurait un problème de « rapport à la vie » ! Scandaleux !
Quid du Hamas qui déclare avoir besoin du sang des palestiniens pour la cause, qui prend les gazaouis comme boucliers humains ?
https://www.lopinion.fr/international/le-calcul-glacant-du-chef-du-hamas-a-gaza-le-bain-de-sang-des-civils-va-servir-la-cause
– E. Macron : On a un désaccord stratégique. Je ne pense pas qu’il serve la sécurité des israéliens dans la durée en leur faisant croire que la réponse n’est que sécuritaire. C’était la même histoire qu’il racontait il y a 15 ans et cela n’a pas été vrai : il y a eu le 7 octobre.
Ceux qui pensent aujourd’hui que la réponse n’est que sécuritaire se trompent, se mentent à eux-mêmes et mentent au-delà.
E. Macron fait sans doute référence au retour de B. Netanyahou en tant que premier ministre en 2009. Sa victoire électorale correspond en effet à la fin de l’espoir, pour beaucoup d’israéliens, de la solution à deux Etats, suite au enième rejet d’une proposition menant vers la création d’un État palestinien (celui du plan Olmert par Abu Mazen en 2008)
Rappelons que la bande de Gaza n’est plus occupée depuis 2005.
00:02:56 – E. Macron : La réponse, elle est politique. Notre rôle c’est d’être au côté de l’humanité.
Sous-entendu : contrairement aux israéliens, qui sont contre l’humanité.
– E. Macron : Il faut respecter le premier ministre israélien et le peuple d’Israël, mais il faut aussi essayer de lui dire : « Ce que vous faites, d’abord n’est pas conforme au droit international. C’est aussi un crime. Ce ne sont pas vos valeurs. Et ce qui est en train d’être fait en votre nom n’est pas votre intérêt. »
Un crime ? Jugé par qui ? Leurs valeurs ? Celles qui consisteraient à se laisser massacrer sans se défendre et sans riposter et sans tenter de récupérer ses citoyens pris en otages ? Ah qu’il serait confortable de voir se réaliser le mythe du juif qui se laisse conduire à l’abattoir sans broncher !
« Ce qui est en train d’être fait en votre nom » : on ouvre la porte à la généralisation. C’est exactement la même expression utilisée par Fabien Roussel pour légitimer l’importation du conflit en France dans cette interview hallucinante.
– M.Bouhafsi : En Egypte E. Macron a rencontré son homologue égyptien et le roi Abdallah II de Jordanie. Le chef de l’Etat s’est aussi entretenu avec le prince héritier d’Arabie Saoudite. Si E. Macron rejette tout futur rôle du Hamas dans le territoire palestinien, il ne veut pas entendre parler de déplacement de la populations face aux projets inhumains de la Riviera proposée par D. Trump.
Le président annonce donc (plus loin dans l’interview) qu’il va reconnaître l’État de Palestine alors que Gaza est dirigée par le Hamas (élu en 2007), mais qu’il rejette tout rôle du Hamas ! On n’en est pas à une manipulation près…
00:03:26 – E. Macron : Tous, ce matin à l’hôpital, ne marchant pas, ayant perdu des proches, me disaient : “Je retournerai, c’est ma terre”. Il ne peut pas y avoir de déplacements forcés. On ne va pas refaire des apatrides, des femmes et des hommes… C’est à nous de savoir construire une solution. Ce n’est pas un sujet d’immobilier. Le simplisme n’aide pas. Je dis au président Trump que ce n’est pas vrai. Je comprends son impatience. Ce serait formidable si ça se développait un jour de manière extraordinaire. Mais là notre responsabilité est de sauver des vies, de retrouver la paix…
Il n’y a jamais eu de paix. Le conflit en cours est le 14ème conflit majeur initié par les Palestiniens ou les pays arabes contre Israël. La guerre a commencé le jour de la déclaration d’indépendance d’Israël et n’a pas cessé une seule minute depuis.
– E. Macron : …et de négocier un cadre politique. Si tout cela n’existe pas, personne n’investira. Aujourd’hui, personne ne mettra un centime à Gaza.
Sauf l’Union Européenne et la France, qui avait repris le soutien financier à Gaza après avoir juré de ne plus financer l’UNRWA pendant un semestre.
– M. Bouhafsi : E. Macron a également rappelé l’urgence de la libération des otages de la restitution des corps israéliens à Gaza. Le Président a rappelé l’importance de lutter chaque jour contre ceux qui importent le conflit de manière violente en France.
Le journaliste ajoute « de manière violente », indiquant que les autres formes d’importations du conflit lui semblent légitimes. Ce n’est pas ce qu’E. Macron dit.
00:04:48 – E. Macron : La France est le pays qui a la plus grande communauté juive en Europe. Nous sommes le pays qui a le plus d’enfants d’origine maghrébine, du Proche et Moyen-Orient.On est un des pays d’Europe qui a le plus de concitoyens dont la confession est la confession musulmane. Il y avait toutes les recettes pour que nous explosions après le 7-Octobre.
Voici le président Macron gagné par le racisme version LFI : les musulmans seraient donc par nature et de manière obligatoire antisémites. Et ce juste avant de nous expliquer qu’il ne faut essentialiser personne.
D’autre part, les français juifs sont assimilés à une cible « logique » pour qui en voudrait à Israël. Croyant faire le contraire, E. Macron justifie l’importation du conflit qu’il dénonce.
– E. Macron : Je suis très fier de nous. Néanmoins, bâtir l’unité, ça va être se battre contre l’antisémitisme qui a flambé en France depuis le 7-Octobre.
Macron est « très fier » même si « l’antisémitisme à flambé » (x4 d’une année sur l’autre)… On ne cessera de répéter depuis des années que l’antisémitisme n’est plus rédhibitoire.
Pour « se battre contre l’antisémitisme », on aurait pu par exemple participer à la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023. Mais le Président de la République avait alors jugé que c’était clivant, et qu’il ne fallait pas froisser les antisémites.
– E. Macron : Parce qu’il y a toute une jeunesse qui en accédant à la conscience, par les simplifications, les réseaux, l’accélération, les manipulations, pense que être pour Gaza, c’est être contre Israël, et du coup qu’être contre l’existence d’Israël c’est être contre tous les Juifs partout dans le monde. C’est n’importe quoi. Je dis à cette jeunesse de regarder leurs semblables en France. Ce sont des citoyens et des citoyennes. C’est ça notre force.
Tout en condamnant la généralisation aux Juifs, M. Macron accepte tacitement le glissement qui ferait qu’être « contre Israël » (c’est-à-dire contre la guerre menée par Israël à Gaza) équivaudrait à être contre l’existence même d’Israël. C’est ici du langage oral, non préparé. Ce n’est certainement pas ce que pense E. Macron, mais son inconscient s’exprime.
00:05:38 – E. Macron : Notre unité, c’est la République, c’est le fait qu’on est des citoyens et des citoyennes… N’essentialisez jamais quelqu’un selon son origine, sa religion ou autre… Tous nos jeunes bouleversés par Gaza, ne cédez pas aux raccourcis et aux bêtises. Vous avez raison d’être indignés. Je le suis comme vous. On doit se battre pour la paix.
– M. Bouhafsi : Alors qu’il est poussé par plusieurs dirigeants politiques et experts à reconnaître la Palestine comme 149 autres Etats, pour la première fois à notre micro E. Macron annonce un chemin pour le faire avec une date, à une condition.
Le journaliste induit « poussé », « comme 149 Etats ». Rien ne l’oblige à ajouter de l’eau au moulin mais l’occasion est trop belle de pousser, justement, sa position personnelle.
– E. Macron : On se bat pour Gaza, le retour de la paix et de la sécurité, l’humanitaire et une solution politique.
Retour à la paix : cf supra. Il n’y a jamais eu la paix.
00:06:21 – E. Macron : On doit aller vers une reconnaissance. Dans les prochains mois, on ira. Je ne le ferai pas pour l’unité ou pour faire plaisir à tel ou tel. Je le ferai parce qu’à un moment donné ce sera juste. Et parce que je veux aussi participer à une dynamique collective, qui doit permettre aussi à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël, ce que plusieurs d’entre eux ne font pas, d’être clairs pour lutter contre ceux qui nient le droit à Israël d’exister, ce qui est le cas de l’Iran, et de nous engager sur une sécurité collective de la région. Notre objectif c’est en juin, avec l’Arabie Saoudite de présider cette conférence, où on pourrait finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs.
E. Macron s’exprime peut-être en tant que porte parole à l’ONU du Hezbollah, et feint de croire que le Liban, l’Algérie ou d’autres ne nient pas, à la différence de l’Iran, le droit d’Israël d’exister.
Sur un plan politique, il affirme (futur simple, pas de conditionnel) qu’on ira vers la reconnaissance de l’Etat palestinien, puis évoque une reconnaissance réciproque (par les pays arabes). Est-il vraiment assez naïf pour croire que l’Iran, le Liban, l’Algérie, la Syrie ou le Yémen vont subitement reconnaître Israël parce que la France aura reconnu l’Etat palestinien ? Non, bien sûr. C’est de la pure manipulation.
En fait, le seul objectif d’E. Macron est de poursuivre la « politique arabe de la France », et de tourner à son avantage les errements de Trump pour devenir l’allié privilégié de l’Arabie Saoudite, friande d’armement.
Quelques jours après cette interview (11/4), le Président Macron a jugé utile de reprendre ses propos sur X, malheureusement en continuant à s’enfoncer.
Il réitère un « Oui à un État palestinien sans le Hamas » alors qu’il a affirmé sa volonté de reconnaître cet État en juin et qu’il est bien évident que le Hamas sera toujours là.
Question subsidiaire : imaginons un instant Gaza débarrassée du Hamas. L’Autorité palestinienne serait-elle engagée à ne pas agresser Israël ? Aucunement. Abu Mazen, dictateur de la Cisjordanie, est un antisémite et négationniste patenté, qui a lui-même rejeté le plan Olmert menant à un Etat palestinien de fait.
Reprise du mantra sur « un cessez-le-feu durable ». Après plus d’un an à réclamer un cessez-le-feu sans contrepartie, M. Macron semble oublier que le cessez-le-feu avait été signé en échange du retour des otages. Trois mois plus tard, il reste, le 12 avril 2025, 59 otages à Gaza, donc il n’y a pas de cessez-le-feu qui tienne.
Le problème de ne procéder que par incantations et de rester dans le fantasme, c’est qu’à un moment « le réel, c’est quand on se cogne » (Jacques Lacan)
Il écrit aussi : « Ne laissons pas prospérer les fausses informations et manipulations ». C’est bien ce que nous nous efforçons de faire ici, et ça n’est pas toujours à l’avantage du chef de l’État.