Dans l’article du 7 juillet sur l’imagerie antisémite et son déni à propos de la fresque d’Avignon, nous avions cité entre autres une affiche du BIFFF 2021, célèbre – et très bon, à vrai dire – festival du film fantastique de Bruxelles. L’affiche du BIFFF 2022 me fait revenir en détail sur le sujet.
En 2021, je fus stupéfait par cette affiche placardée sur les murs de Bruxelles, qui reprenait sans retenue les codes des caricatures antisémites : chapeau haut-de-forme, regard torve, doigts crochus, col en fourrure, empoisonnement d’enfant, auxquels j’ajoutai le corbeau aux yeux injectés de sang et le code couleur du drapeau nazi. Une recherche plus approfondie sur les anciennes affiches de ce festival fait ressortir que corbeau et code couleur font partie de la marque du festival lui-même et ne peuvent pas être assimilés, en l’espèce, à l’imagerie antisémite.
S’ensuivit un échange d’e-mail avec l’organisation du festival ; elle affirmait qu’aucune intention antisémite n’était à voir dans ce choix, et donnait comme explication que le personnage représenté était issu d’une BD de Legendre & Cambré, Amphoria, dont sept tomes étaient parus depuis 2014.
Or ce personnage de BD, Krimson, est une reprise du personnage Crimson dans la série Bob & Bobette de Willy Vandersteen, dessinateur fameux dont il a été prouvé en 2010 (4 ans avant Amphoria, ce qu’il était donc impossible d’ignorer) qu’il avait collaboré sous l’Occupation en tant que dessinateur, sous le pseudonyme de Kaproen, et était l’auteur de caricatures antisémites.
Reprendre un tel personnage et en accentuer les traits « juifs » sans que personne ne trouve rien à redire, voilà qui ne lassera pas d’étonner.
Ceci n’est pas une caricature antisémite
Fort des arguments de l’organisation du festival qui ne voyait pas d’antisémitisme dans cette affiche, je publiai sur mon mur Facebook un détournement de l’affiche en y accolant, dans une calligraphie imitant celle du fameux tableau de Magritte, « Ceci n’est pas une caricature antisémite ». J’ajoutais un drapeau nazi pour mettre en évidence la stricte correspondance des couleurs – mais, comme dit plus haut, ce dernier argument n’est pas valide, le BIFFF ayant toujours utilisé ces couleurs, bien avant cette affiche.
Je reçus immédiatement un courrier d’un avocat, m’accusant de « harceler » son client, et m’étonnai de trouver parmi les arguments une origine séfarade de l’avocat et un stage qu’il avait réalisé dans sa jeunesse dans le cabinet d’un avocat dont le nom – si j’ai bien compris – avait une consonance juive.
Je rédigeai une réponse qui conduisit l’avocat à présenter, au nom des organisateurs du festival, des excuses.
Admettons. J’avais bien voulu croire à une ignorance crasse plutôt qu’à une intention antisémite. C’est d’ailleurs dans la catégorie de l’ignorance que l’article co-signé avec Mariane Riss sur la fresque d’Avignon rangeait les organisateurs du BIFFF.
Affaire classée ? On pouvait l’espérer. Mais après les excuses formulées par l’avocat du BIFFF en 2021 qui laissaient penser qu’une attention particulière serait portée au choix de l’affiche de l’édition 2022, je vous laisse découvrir cette dernière. Certainement pas aussi caricaturale que l’affiche 2021, on y retrouve haut-de-forme, regard torve, doigts crochus, manteau de fourrure… Grand Chelem ! Mazel Tov !
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