Ah, l’Institut du Monde Arabe… Ce phare de la diplomatie culturelle, ce grand écran sur lequel Jack Lang projette inlassablement son mythe personnel en Technicolor. Et voici que le grand Jack, jamais à court de superlatifs ni de formules ronflantes, nous convie à l’exposition « Trésors sauvés de Gaza. 5000 ans d’histoire ».
Rien n’est pire que l’abandon et l’oubli. Cette exposition, que je qualifierai de salut public, rend hommage à Gaza, vibrante et merveilleusement jeune.
Jack Lang, président de l’Institut du Monde Arabe (IMA)
L’exposition est certainement magnifique. Oui, Gaza, ce minuscule territoire si souvent réduit à des ruines et des larmes dans nos JT, est aussi un creuset de civilisations, un carrefour archéologique. L’IMA nous le rappelle avec éclat.
Mais à bien lire la prose de l’IMA, on reste un peu interloqué. « Trésors sauvés », vraiment ? Sauvés par qui ? De quoi ? L’implicite transpire à grosses gouttes : ils auraient été arrachés in extremis aux bombes israéliennes de 2023, aux décombres de Khan Younès, aux drones vengeurs.
Le sous-titre de l’exposition « Gaza. Patrimoine en exil », communiqué aux médias et aux instances culturelles (c’est le titre qu’on trouvera par exemple sur le site de la mairie de Paris) enfonce le clou.
Or, ces œuvres n’ont pas été extraites d’un tunnel du Hamas ou d’une cachette post-7 octobre. Non. Elles sont à Genève, depuis bien avant que Gaza ne sombre dans le chaos le plus récent. Et pourquoi ? Parce que ces trésors ont été exfiltrés lors de la prise de pouvoir du Hamas en… 2007 !
Oui, ces chefs-d’œuvre ont été mis à l’abri de la barbarie fondamentaliste, de ceux qui voient dans toute représentation figurée une offense. Parce qu’on se souvient tous des bouddhas de Bamiyan dynamités par les talibans, ou du Lion d’Athéna de Palmyre pulvérisé à l’explosif par l’État Islamique. Et dans cette même logique d’autodafé, qui peut croire une seconde que les objets représentant quelques divinités auraient survécu longtemps dans un territoire gouverné par des milices intégristes ?
Alors pourquoi cette réécriture feutrée ? Pourquoi cet habillage humaniste façon ONU Unesco, qui évite soigneusement de nommer les vrais dangers ? Peut-être parce qu’il est plus simple – et plus chic dans les dîners parisiens – de dénoncer « la guerre » sans trop entrer dans les détails.
Mais les faits sont têtus. Ces trésors n’ont pas été sauvés de la guerre. Ils ont été sauvés de l’obscurantisme, des islamistes.
Et ce n’est pas un détail.
Cette formulation trompeuse – et reprise unanimement dans les médias – illustre une nouvelle fois l’aspect systématique de l’inversion du vocabulaire et des faits quand on évoque la situation au Proche-Orient.
C’est à ce titre assez logique que le président Macron, en rentrant d’Egypte, ait choisi cette exposition pour confirmer son intention de reconnaître l’État de Palestine à la conférence de juin.