Élections, mythes et réalités

Nous vivons dans une société des médias et pourtant, il semble que nous ne soyons pas tous bien informés, notamment sur ce que sont ces élections législatives, ou sur comment fonctionne la Vème république.

Reprenons simplement quelques mythes entendus ici et là, et expliquons.

« En cohabitation, le gouvernement RN ne pourra rien faire car le président garde ses pouvoirs »

C’est faux. Contrairement à ce que l’on se plaît à répéter, la constitution de la 5ème république n’a rien d’une monarchie absolue.

Article 10 – Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.[…]

Il n’est pas écrit « Le Président de la République promulgue les lois selon son bon vouloir », mais juste « promulgue les lois ». Une fois une loi votée à l’Assemblée Nationale (qui prévaut sur le Sénat), le Président DOIT la promulguer, ce n’est pas une option (même si certains partis actuellement dans l’opposition exigeaient encore en janvier que le Président ne promulgue pas la Loi sur l’immigration. C’était selon une constitution imaginaire)

Article 15 – Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale.

Marine Le Pen vient de contester ce pouvoir et de déclarer : « Chef des armées, pour le président, c’est un titre honorifique puisque c’est le premier ministre qui tient les cordons de la bourse ». C’est donc clair : un gouvernement RN ne laissera pas le Président exercer son pouvoir. Il n’y a strictement aucun doute : une majorité absolue RN, c’est livrer la France à la Russie. La présence des députés européens RN sur les seuls scrutins ayant rapport à la guerre en Ukraine et aux sanctions contre la Russie ne laisse aucun doute à ce sujet.

En revanche, voici ce que la constitution dit du pouvoir du gouvernement : 

Article 20 – Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. […]

Oui, on parle bien du pouvoir du Gouvernement, pas de celui du Président de la République.

Article 21 – Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.[…]

En résumé, si vous croyez que tout ira bien parce que c’est le Président qui, au final, décide, vous êtes dans l’erreur, et vous serez – même si vous connaissez cette constitution – sous le pouvoir du Rassemblement National dans 10 jours si celui-ci obtient une majorité absolue.

« Si la France est ingouvernable, il y aura une nouvelle dissolution »

Faux. Afin d’éviter l’instabilité institutionnelle, la constitution précise : 

Article 12 – […] Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections.

« L’article 16 permettrait au Président de prendre les pleins pouvoirs »

Faux.
Article 16 -. Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.

Avec une majorité absolue élue démocratiquement, à moins que le gouvernement ne décide de renverser le Président (on ne voit pas bien l’intérêt), il n’y a a priori pas de raison de considérer que « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ». Et si le président était renversé – pure fiction -, comment ferait-il pour « prendre les mesures exigées par les circonstances » ?

« C’est une élection locale, ce qui compte c’est mon député »

Votre député rejoindra un groupe à l’Assemblée nationale, et votera les textes en fonction de la consigne du groupe. Côté NFP, la présidence du groupe ne pouvant échapper à LFI, il est absolument clair que les députés des autres partis voteront comme LFI. C’est ce qui s’est passé avec la NUPES, et ceux qui ont cru ce que leur racontaient les candidats PS ou PCF en 2022 (« Ce n’est qu’un accord électoral, on reprendra notre indépendance après »…) en ont été pour leurs frais et en seront à nouveau en 2024. Errare humanum est, perseverare diabolicum.

« Les extrêmes, jamais ! je voterai blanc »

C’est très bien pour l’ego de garder les mains propres, mais politiquement c’est d’une grande lâcheté. Le vote blanc ou nul ne comptant pas en France, cela revient à laisser le choix aux autres, et donc en l’occurrence justement à ceux qui votent pour les extrêmes.

« Au premier tour on choisit, au second on élimine »

Il vaudrait mieux se fier à la constitution qu’aux maximes et croyances. Dans pratiquement toutes les circonscriptions, les candidats du RN et du NFP seront qualifiés pour le second tour. 

Selon les sondages au plan national, la majorité actuelle recueillerait 19,5% des suffrages. Avec une participation estimée d’environ 63% (pari risqué en raison des vacances d’été), 19,5% des suffrages représentent donc 12,34% des inscrits, soit moins que les 12,5% nécessaires pour se qualifier au second tour. Et ce en moyenne ! 

Il y aura donc, sauf réveil soudain (et partage massif de cet article), un nombre immense de circonscriptions avec des duels RN-NFP (environ 230 selon certains analystes). Il sera donc impossible d’éliminer les deux extrêmes. 

Ainsi ceux qui croient qu’on pourra éliminer les extrêmes au second tour se fourvoient. Le seul vote qui vous laisse la possibilité d’éviter le choix entre les extrêmes au second tour, c’est le vote au centre dès le premier tour, qu’on aime ou pas. Et si l’idée de voter pour un candidat “macroniste” vous est plus insupportable que de livrer le pays à des incompétents racistes, antisémites, et affiliés à Poutine, alors interrogez peut-être votre système de valeurs. Il ne vous reste que quelques heures.
Réveillez-vous !

Un commentaire sur “Élections, mythes et réalités

  1. mERCI
    Merci pour cet article éclairant. Nous sommes nombreux je pense à être totalement dans l’obscurité.
    Amicalement

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