Avatar 2 : l’abyssal ennui

Voilà presque 40 ans que le virtuose James Cameron joue le même morceau sans lasser son public, il ne serait pas pertinent de lui reprocher de se répéter. Si l’on va voir un Cameron, c’est bien pour voir des aéronefs filmés de haut (Abyss, Titanic, Avatar), une montée des eaux (Abyss, Aliens, Titanic), un bateau qui chavire (Titanic, Abyss), des portes que les protagonistes doivent soit ouvrir soit fermer (Aliens, Terminator 2, Titanic, Avatar), des exo-squelettes, de combat ou non (Terminator, Abyss, Aliens, Titanic, Avatar)

Bref, c’est une sorte de contrat entre Cameron et le spectateur, le fait de les avoir tous alignés dans un seul film est sans doute un peu lourd, mais le contrat est – de ce point de vue – rempli.

Un choix technique contestable

Cameron est aussi un innovateur audacieux, qui peut attendre des années pour que la technologie lui permette de tourner le film qu’il veut. Il voit grand et sait convaincre. De Aliens, dont il a écrit le scénario et développé le storyboard dans l’objectif de convaincre le studio de donner une suite au film mythique de Ridley Scott, à Titanic, projet tellement… titanesque qu’il a fallu une alliance entre la Fox et Paramount pour le réaliser.

Avatar 2, The Way of Water, n’échappe pas à la règle. Une nouvelle caméra a été nécessaire pour tourner les scènes subaquatiques. Pourtant, un choix technique de vitesse d’obturation fait ressembler le film à une interminable animatique de jeu vidéo. À la manière des télévisions récentes, et renforcé encore par la 3D, on a l’impression que l’action se déroule dans la pièce. Or si le spectateur a appris en 120 ans d’histoire du cinéma à se prêter au jeu de croire à une situation et à des personnages sur un écran ou même en 3D, c’est aussi parce que le grain de l’image et cette fréquence d’obturation conventionnelle permettent la juste distance entre le spectateur et l’action. Les mêmes situations et les mêmes personnages semblent parfaitement ridicules quand ils débarquent dans votre salon ou dans la salle de cinéma.

Paradoxalement, quelques scènes sont filmées sans cet artifice, dont des bons vieux plans – tout droit sortis des Dents de la mer – sur un capitaine de baleinier, qui rendent ce dernier sympathique aux yeux d’un cinéphile, ce qui n’était sans doute pas l’intention.

Quant au scénario, on est très loin de l’écriture d’un Terminator.

Avatar, le premier volet ne brillait déjà pas par l’originalité du script, mais l’aspect « documentaire » sur la planète imaginaire Pandora et la mise en scène époustouflante compensaient largement.

Mais pour ce nouvel opus, on a l’impression d’un premier jet qu’aucun producteur n’a jamais osé critiquer. C’est l’avantage, mais aussi le risque de produire ses propres films.

Après une heure passée dans la forêt, un nouveau (très) long métrage commence quand la famille de Navi se réfugie dans un archipel.

À un moment, on justifie l’absurde débauche de moyens des chasseurs de baleine (les Terriens sont arrivés sur Pandora un an avant et disposent déjà d’un arsenal démesuré pour chasser les « Tulkuns »), par la récolte d’une glande qui permettrait d’arrêter le vieillissement humain. Bref, un MacGuffin (prétexte scénaristique défini par Hitchcock) du niveau de celui d’Inception, qui aurait mérité un film entier a lui tout seul et qui est expédié en trente secondes.

Personnage bleu ne parvenant pas à masquer son ennui.

Le fond… du fond

Sur le fond enfin, le film traite avec d’énormes sabots de la colonisation de l’Amérique. Pourtant les colonisés (les Navi, ces grands personnages humanoïdes bleus) incarnent tous les clichés de la famille américaine WASP, avec le père protecteur et l’épouse jalouse etc, et alors qu’Hollywood s’est spécialisé dans la mesure du taux de mélanine de chaque acteur pondéré par son temps à l’écran et son nombre de répliques, tous les acteurs « de couleur » incarnent des Navi. Aucun dans les troupes et les colons terriens. Chez les nouveaux antiracistes, les Noirs sont forcément gentils.

Et d’ailleurs, les baleines locales (Tulkun) le sont tellement aussi que leur ventre est couvert de tatouages « ethniques », c’est dire !

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